lundi 2 septembre 2013

Le jeu vidéo: un jeu comme un autre?


Selon Le Petit Larousse (1998) un jeu vidéo est un « programme informatique permettant de jouer seul ou à plusieurs, installé le plus souvent sur une console électronique ou un micro-ordinateur ». Il semble que nous puissions le considérer comme un jeu. Mais peut-on dire qu’il s’agit d’un jeu comme un autre ? En effet, on remarque qu’il se distingue d’ors et déjà des autres jeux par son support qui est informatisé. Nous n’avons pas accès directement, physiquement à ce avec quoi nous allons jouer puisque il s’agit d’images défilant sur un écran. De plus, le cadre, les types de supports, les modes de relations entre les joueurs, etc., que proposent le jeu vidéo sont peut être également différents des jeux plus « classiques » que nous connaissons et que nous avons pratiqués enfants, adolescents et adultes.
En considérant le jeu vidéo comme un jeu, il peut être intéressant de mettre en évidence les particularités du jeu vidéo afin de considérer en quoi il peut être différent d’un autre jeu.

1.     Le jeu, un besoin humain

1.1.Le jeu normal chez l’enfant

L’importance du jeu et de son rôle structurant dans le développement de l’enfant ne fait aucun doute pour les auteurs s’intéressant à l’ontogénèse psycho-affective et cognitive.
Dans Jeu et réalité (1975), Winnicott fait la distinction entre deux notions pour aborder le jeu : « play » et « game ». Selon lui, le « game » renvoit au jeu structuré autour de règles  permettant alors un contrôle et un évitement de toute implication relationnelle. Ils sont alors des tentatives pour tenir à distance ce qui peut être effrayant dans le jeu « playing ». Alors que le « play » est une expérience dynamique qui se déploie librement. Ce dernier est considéré par Winnicott comme étant universel et correspondant à la bonne santé mentale. L’opposition, dans l’œuvre de R. Callois (1958), entre « paidia (jeu désordonné) et « ludus » (jeu réglé) correspond à cette distinction.
Le jeu est donc considéré par Winnicott (1975) en tant qu’activité vitale fondamentale permettant à l’enfant, pendant son développement, de se détacher de la vie instinctuelle pour s’ouvrir à la vie sociale.

Le jeu paraît chez l’enfant comme étant un comportement spontané et aide l’enfant à accéder à une identité structurée. Il n’est possible que s’il a un sentiment de sécurité à la base où son environnement lui fournit « la confiance d’être contenu en toutes situations » (Anzieu & Daymas, 2000). Le jeu apparaît donc très tôt au cours du processus de maturation de l’enfant, lors des interactions précoces mère-bébé. On peut d’ailleurs faire référence au jeu de l’enfant que Freud nomme le « Fort-Da » qui se constitue autour de la séparation d’avec la mère afin de réussir à maîtriser son absence (le jeu de la bobine où l’enfant jette au loin la bobine qu’il fait ensuite revenir à l’aide de la ficelle). La figurine de la bobine vient proposer un support sur lequel projeter les fantasmes de l’enfant et autour duquel élaborer un univers imaginaire. La manipulation réelle de la bobine correspond à l’assimilation psychique par l’enfant d’un événement important du réel (la présence ou l’absence de la mère) qu’il ne peut contrôler.  Dans ce fait, il s’agit des affects liés à la satisfaction ou à la frustration (présence-absence de la mère) qui sont symbolisés ; c’est à dire que la symbolisation dans le jeu l’amène à transformer son rôle passif en rôle actif, ce qui lui confère la maîtrise totale de la situation (toute-puissance infantile). Le jeu est alors à envisager comme étant la représentation symbolique des affects de l’enfant. L’objet est alors la représentation symbolique de son désir et peut être considéré comme un prolongement de lui-même, et non comme un objet extérieur. Il est « l’objet transitionnel » (Winnicott, 1975) venant contrer l’angoisse de séparation et autres angoisses archaïques, dans un espace, une aire qui n’appartient ni à la réalité interne ni à la réalité externe et où l’angoisse est transformé en plaisir ; dans une intégration des principes de réalité et de plaisir.

Ainsi, le jeu « constitue un terrain (…de jeu) où peuvent s’affirmer et se confronter de manière créative, le sujet et la réalité de son environnement » (Golse, 2008). L’enfant joue alors : par plaisir , pour exprimer de l'agressivité (le jeu permet l'expression réprimée de la violence), pour maîtriser l'angoisse, pour accroître son expérience  et pour établir des contacts sociaux. 

1.2.Le jeu pathologique

Les pulsions constituent, selon Winnicott dans son article de 1958, La capacité d’être seul, la plus grande menace pour le jeu et pour le moi. Il nous dit en effet que l’on repère un enfant qui va mal dans son jeu. En effet, lorsque l’enfant joue, la totalité de son jeu est-il bien une sublimation des pulsions instinctuelles ? On peut constater que lorsque l’enfant s’excite de façon compulsionnelle où il semble « être au bord d’une expérience instinctuelle » (Winnicott, 1958) en jouant c’est qu’il n’est plus dans la quiétude dans laquelle il devrait se trouver lorsqu’il s’amuse. Un enfant qui va bien a nécessairement un jeu heureux selon lui. Le jeu d’un enfant qui n’est pas heureux est gêné par des excitations physiques qui comportent des acmés, comme si l’enfant recherchait la stimulation corporelle au lieu de la créativité du jeu. « Quand les défenses pèsent trop lourd sur le fonctionnement psychique, l’enfant ne peut laisser libre cours à son imagination, et risque de s’enliser dans des activités répétitives, obsessionnelles, qui le « ferment » à son monde interne » (Winnicott, 1958). Ainsi, les pulsions instinctuelles ne sont pas sublimées dans le jeu pathologique. L’excitation physique est au premier plan. De fait, l’enfant n’a donc pas de possibilité d’accéder à l’activité fantasmatique et n’est pas capable de symbolisation. Par exemple lorsqu’un enfant casse un jouet, cela semble traduire son incapacité à contenir l’excitation et l’envahissement par la pulsion agressive et destructrice. N’étant pas dans le jeu, l’enfant n’a pas de capacité pour faire-semblant, de faire comme si et donc de se différencier des autres. C’est en particulier le cas chez les enfants limites ou prépsychotiques.

1.3.Le jeu chez l’adulte

« C’est en jouant, et seulement en jouant, que l’individu, enfant ou adulte, est capable d’être créatif et d’utiliser sa personnalité toute entière. C’est seulement en étant créatif que l’individu découvre le soi » (Winnicott, 1970). Avec cette affirmation de Winnicott, nous pouvons envisager le jeu non seulement chez l’enfant mais également chez l’adulte.
Le jeu chez l’adulte est un facilitateur et il joue avant tout pour se détendre, prendre du plaisir ou encore se cultiver. Winnicott parle de créativité en expliquant qu’il permet un dégagement d’avec la réalité. Il dit en effet que jouer permet au sujet d’échapper à la soumission qu’imposent la réalité et ses exigences parfois mal supportées. Par exemple, les pulsions agressives du joueur peuvent être maîtrisées par le biais du jeu en tant qu’exutoire et/ défouloir ; pulsions qu’il n’aura pas forcément la possibilité d’exprimer dans la réalité. Un joueur peut, également, maîtriser une angoisse de castration à travers la compétition et le combat en tentant de gagner à tout prix et d’être le plus fort. Mais attention, Winnicott n’entend pas par créativité la création d’une œuvre réussie et reconnue, mais plutôt comme étant l’attitude que le sujet adopte face à une réalité et qui lui fait dire que la vie vaut d’être vécue. Il établie donc un lien entre la vie créatrice et le fait de vivre et pense que la créativité permet à l’individu d’éprouver le sentiment d’une vie riche et enrichissante. De plus, il considère que la quête de soi, et donc par extension de la personnalité, passe par la possibilité à l’individu de créer.


2.     Du jeu au jeu vidéo

2.1.Le jeu vidéo

Le jeu vidéo peut être défini comme l’ensemble des pratiques ludiques nécessitant un dispositif informatif comme un ordinateur ou une console de jeu dans lesquelles le joueur agit sur un environnement virtuel. Dans certains jeux vidéo, le joueur a la possibilité de jouer seul ou bien à plusieurs.
Les supports matériels pour le jeu vidéo sont nombreux : la console de jeu, la machine d’arcade en salle d’arcade, l’ordinateur (individuel ou en salle de réseau), et plus récemment le téléphone portable ou encore la tablette graphique. L’ordinateur, nous intéressant ici, permet au joueur de s’imprégner davantage du jeu que les autres supports, être au plus près de lui et de la machine ; comme un « corps à corps » (Gillet, 2010).
Les types de jeu vidéo sont également multiples. On constate en effet les jeux d’aventure, les jeux d’actions, les jeux de réflexion, etc. Mais ceux sur lesquels nous nous centrons dans cette recherche sont les jeux de rôles ou RPG (Role Playing Game en anglais) dans lesquels les joueurs incarnent un ou plusieurs aventuriers spécialisés dans un domaine précis tels que la magie ou le combat. Plus précisément au sein de cette catégorie il existe les jeux de rôles en ligne massivement multi-joueurs (MMORPG). Ils correspondent à des mondes virtuels dans lesquels un très grand nombre de joueurs peuvent interagir par l’intermédiaire de leur avatar.

2.1.1.     Un monde numérique virtuel et ludique

« Est virtuel ce qui, sans être réel, a, avec force et de manière pleinement actuelle (c’est à dire non potentielle) les qualités du réel » (Berthier, 2004).

Nous avons tendance, dans le sens commun, à mettre en opposition les termes virtuel et réel. En effet on considère que ce qui est réel existe, et ce qui est virtuel n’existe pas. On perçoit en effet le virtuel en opposition au réel.
Si l’on s’attache à trouver une définition plus précise de ce qu’est le virtuel, on remarque qu’il désigne une réalité en puissance, un potentiel, une éventualité possédant assez de perfection pour pouvoir devenir. Ce qui a été principalement retenu c’est son rapport au réel, se rapprochant de l’artificiel, de l’imaginaire, du fictif mais également du vraisemblable.
Aujourd’hui le terme virtuel est plus particulièrement associé au domaine informatique et notamment aux jeux vidéo. Selon Lévy (1995), le virtuel peut être défini comme « un mode d’être particulier » ; c’est à dire comme une expérience différente du réel. Il pourrait être appréhendé alors comme une « simulation d’un autre réel possible » (Grellier, 2006). Les jeux vidéo, en intégrant à leurs univers des dimensions propres au réel (décors réalistes, écoulement du temps, évolution météorologique, espace explorable à l’infini, etc.) s’assurent que les joueurs parviennent à croire que ce qui n’existe pas existe. Ainsi on peut entendre par virtuel, non pas ce qui n’est pas réel mais plutôt ce qui est différent de ce dernier.
Dans cette optique, l’idée de jeu n’est pas éloignée du virtuel. En effet, « le jeu est essentiellement une occupation séparée, soigneusement isolée du reste de l’existence (…), accompagnée d’une conscience spécifique de réalité seconde ou de franche irréalité par rapport à la vie courante » (Caillois, 1967). De ce fait, le jeu et donc le « faire semblant » renvoient également à un certain rapport au réel, à la croyance que ce que le joueur vit, existe pour de vrai. Ainsi, selon Roustan, virtuel et ludique ont en commun un caractère de futilité gratuite, une capacité à brouiller les frontières entre les différents statuts de l’existence.

2.1.2.     Phénomène d’immersion

Le jeu vidéo plonge le joueur dans un monde virtuel où il peut avoir l’impression « d’être dedans ». Ce phénomène si particulier aux jeux vidéo s’appelle l’immersion. 
L’immersion peut être comprise comme étant « un processus psychique complexe comportant une face cognitive (décentrement de la perception, analyse d’environnement), une face liée à l’économie du plaisir psychique (épargne de mouvement réel) et une face liée à la dynamique de réalisation de désir (accomplissement virtuel d’un désir) » (Virole, 2007). Il s’agit donc d’un processus par lequel le joueur, lorsqu’il joue pourra accorder une part de vérité à ce qui se passe à l’écran. En effet, la perception ainsi que l’analyse de l’environnement du joueur sera décentré sur le plan virtuel et non plus réel. Le joueur est effectivement physiquement présent mais psychiquement il est absorbé par l’écran. Il n’a pas besoin de se mouvoir physiquement pour faire bouger son personnage dans le jeu ; une seule main suffit : celle en contact avec la manette ou la souris de la plateforme de jeu. Enfin, avec un moindre effort le joueur pourra avoir beaucoup de gains ; son désir sera accomplie virtuellement plus rapidement que réellement.
Afin de favoriser l’immersion et donc l’adhésion plus importante du joueur au jeu, les créateurs de jeux vidéo misent beaucoup sur l’interface. En effet, ils vont injecter des éléments du réel dans ces mondes virtuels tant sur un plan visuel (changements météorologiques, mouvement du vent dans les arbres, notion de temps avec l’alternance du jour et de la nuit, etc.) qu’auditif (bruit des pas du personnage, bruit de la pluie, etc.). Tout cela permettra un meilleur couplage entre le joueur et la plateforme de jeu.
C’est donc en accentuant la cohérence des univers de jeux, en les rendant plus crédibles qu’ils en deviennent plus immersifs.

2.1.3      Le jeu vidéo comme nouvel espace potentiel

Mais l’immersion ne suppose pas que l’univers du jeu vidéo devienne la nouvelle réalité du joueur. Ce dernier sait, à priori, faire la distinction entre les deux et nous pourrions envisager le jeu vidéo plutôt comme nouvel espace potentiel pour le joueur.
En effet, de la même manière que l’aire de jeu, qui n’est pas la réalité psychique interne du sujet et qui n’est pas non plus la réalité externe, l’espace des jeux vidéo n’est pas une production intra psychique puisqu’il existe en dehors de l’intervention du sujet mais plutôt une élaboration psychique en interaction avec un monde numérique, qui n’est pas réellement le monde extérieur. On pourrait alors envisager l’aire virtuelle comme un nouvel espace potentiel pour le joueur, lorsque les premiers échanges avec l’environnement ont été satisfaisants. Cet espace pourrait lui permettre d’apprivoiser le conflit entre ce qui est objectivement perçu et ce qui est subjectivement conçu. Serge Tisseron (2002) nous explique que les interactions que nous nouons avec les différentes interfaces de jeu tel que l’ordinateur par exemple sont de mêmes natures que celles avec nos partenaires humains. Il nous dit que « nous cherchons des espaces de confirmation de notre identité et de réparation de nos satisfactions » (Tisseron, 2002).


Au regard de tout ceci, il semble que la référence au jeu dans les jeux vidéo semble aller de soi. En effet, le jeu vidéo tend à agir comme un support sur lequel le joueur peut projeter ses fantasmes et autour duquel il peut ensuite élaborer.
Pourtant, et comme nous avons pu le voir préalablement, rappelons que Winnicott (1975) distingue le jeu libre (play) du jeu à règle (game). Dans quelle catégorie se situent les jeux vidéo ? Ils sollicitent la créativité et l’imagination du joueur, cela paraît indéniable mais est-ce automatiquement le cas ?  En effet, que dire d’un jeu où le joueur doit faire lancer à son personnage une balle le plus loin possible dans les airs, avec un actionnement de boutons qu’il connaît par cœur car répété et répété encore ? D’un point de vue psychanalytique, on se situe probablement davantage du côté de la répétition mortifère que du côté de la création, de la sublimation. René Roussillon (2008) nous dit alors qu’il faut considérer qu’il y a « jeu et jeu ». On trouve d’une part les jeux stéréotypés, contraints et sans véritable créativité – comme le jeu dont nous venons à l’instant de parler - et d’autre part le jeu ouvert qui autorise la création, la découverte d’une nouvelle forme de relation à soi, à l’autre, au monde.
Dans quelle catégorie du jeu selon Winnicott se situe les jeux vidéo MMORPG ? 

jeudi 24 janvier 2013

La dyade joueur-avatar - Introduction générale



Un monde vous attend…

Plongez dans un nouvel univers et venez rejoindre en ligne des milliers d’autres joueurs dans des royaumes de mythes, de magie et d’aventures sans limites en incarnant un personnage que vous aurez façonné.
Venez jouer…

On pourrait aisément lire ces quelques lignes au dos d’une jaquette pour un jeu vidéo. En les lisant, une envie nous assaille : aller voir ce qu’il en est, faire l’expérience de ce qu’il propose, aller explorer de nouvelles contrés, incarner un personnage que l’on aura fabriqué nous-mêmes ; tout cela sans bouger de notre siège. Cela semble incroyable. Et pourtant c’est possible. Quels sont ces jeux vidéo qui ont la possibilité de nous offrir tout cela ? Plus spécifiquement, qui sont ces personnages que nous pouvons créer ? Qui sont ces avatars – comme on les appelle dans l’univers virtuel – pour le joueur ?

Aujourd’hui l’univers virtuel tient une place de plus en importante dans notre société. En effet, depuis l’implantation des ordinateurs puis d’Internet et enfin des Smartphones dans nos foyers nous ne pouvons plus nous passer d’eux ; ils font partie intégrante de notre quotidien.
En parallèle de tout cela, un des continents de cet univers numérique semble prendre de plus en plus de place dans la sphère numérique : le jeu vidéo. Il occupe d’ailleurs aujourd’hui la première place dans les loisirs des jeunes. Devenu une véritable industrie, il génère d’ailleurs un revenu plus important que celui du cinéma. Quel engouement pour ces jeux électroniques !

Un jeu vidéo nous intrigue plus particulièrement puisqu’il attire des millions de joueurs à travers le monde : le jeu vidéo en ligne massivement multi-joueurs également appelé jeu vidéo MMORPG (Massively Multiplayer Online Role Playing Game). Il s’agit d’un jeu de rôle dans lequel le joueur est confronté à un univers dit « en ligne » (jouable par Internet) et dans lequel il va interagir avec un monde virtuel. Il s’agit d’un espace social où le joueur rencontre d’autres joueurs avec qui il interagit s’il veut pouvoir évoluer et progresser dans le jeu. Le jeu en équipe est d’ailleurs souvent favorisé.
Afin que le joueur puisse jouer et interagir avec le monde virtuel, il lui sera nécessaire de créer un avatar, représentation de lui-même, à l’intérieur du jeu. En effet, Il aura la possibilité de déterminer les caractéristiques de son personnage (choix du pseudo, sexes, coupe et couleur de cheveux, couleur des yeux, forme du visage, etc.). Il sera ainsi amener à personnaliser son avatar selon ses désirs et ses choix personnels. L’avatar, propre à chaque joueur, est donc unique et est l’incarnation virtuelle du joueur à l’intérieur de ce monde virtuel ; au même titre que chaque joueur est différent et caractérisé par sa personnalité propre ainsi que façonné au fil de son développement via des identification successives. L’un ne pouvant exister sans l’autre dans l’univers du jeu, ils sont indissociables et complémentaires. On pourrait alors parler de dyade joueur-avatar.

Ce n’est que récemment que les études et les recherches en psychologie quant aux jeux vidéo, et plus particulièrement quant à l’avatar, ont vu le jour. Il semble que les interrogations soient sans cesse plus nombreuses à mesure que ces recherches s’étayent et rendent l’approche des jeux vidéo par la psychologie difficile à cerner. Nous avons pourtant choisi d’étudier le thème des jeux vidéo en ligne massivement multi-joueurs afin de contribuer à enrichir les recherches en cyberpsychologie.
Ainsi, nous traiterons plus particulièrement ici de la dyade joueur-avatar c’est à dire que nous cherchons à comprendre les liens les unissant – s’ils existent bien. En allant plus loin on se demande dans quelle mesure l’avatar créé par le joueur peut nous renseigner sur des éléments de sa personnalité et nous aider à comprendre qui il est.
On se pose de fait d’emblée la question de savoir si « l’avatar est comme moi » ou si « l’avatar c’est moi ». En effet, lorsque « l’avatar est comme moi » on suppose que le joueur met une distance entre l’avatar et lui dans la mesure où il crée et incarne l’avatar pour jouer. L’avatar nous donne à voir une représentation de soi mais n’est pas soi. En revanche, quand « l’avatar, c’est moi ! » (Haji, 2009) ; le joueur et son avatar sont alors à priori confondues, sans distance entre eux : le joueur se projette dans l’avatar sans se différencier de lui. On se situe alors comme dans un fonctionnement en miroir de l’avatar. Il n’est que la copie numérique, le double du joueur dans le jeu. On se pose la question de la capacité de jeu du joueur dans ce cas précis. On peut alors penser que la manière dont les joueurs vont parler de leur(s) avatar(s) peut nous éclairer sur qui est le joueur. Il nous renseigne alors sur des éléments importants de sa personnalité.

Nous regarderons dans un premier temps du côté de la littérature afin de voir si d’autres auteurs se sont déjà posés ces mêmes questions et comment ils ont abordé l’avatar, en lien avec le joueur.
Nous observerons tout d’abord si les jeux vidéo peuvent être considérés comme un jeu comme un autre. Nous essayerons de distinguer le jeu normal du jeu pathologique afin de mettre en évidence qu’en l’absence d’une capacité de jeu il n’est pas possible pour l’enfant et pour l’adulte de faire « comme si », de faire semblant et d’être alors dans le play tel que défini par Winnicott.
Nous nous intéresserons par la suite aux jeux vidéo et principalement ceux dits MMORPG. Ils nous intéressent plus particulièrement dans notre recherche puisqu’ils permettent au joueur de choisir et façonner un avatar. Ainsi nous nous demanderons dans quelles mesures l’avatar peut être considéré comme « le prolongement de soi » (Tordo, 2011) du joueur dans le jeu.
Cela nous amènera à aborder les notions de projection et d’identification. En effet, nous supposons que le joueur projette des éléments de sa vie consciente et inconsciente dans son personnage. C’est par ce mécanisme que le joueur et l’avatar se retrouvent finalement intimement liés, dans une dyade indissociable. Au travers de cette projection, nous pouvons penser que le joueur s’identifie alors à son avatar. En jouant, le joueur deviendrait alors « un personnage-joueur » (Tordo, 2011) puisqu’il commence à parler de son avatar à la première personne où « les émotions du joueur sont celles de l’avatar » (Tordo, 2011).
Les notions de projection et identification sous-tendent la notion de personnalité. Nous tenterons de comprendre de quelle manière les différents auteurs abordent cette notion en psychologie, principalement du côté de notions telles que le Soi et la représentation de Soi.


lundi 21 mai 2012

Synthèse mémoire de recherche - Identification à l'avatar dans les jeux vidéo en réseau


Mon mémoire de recherche aura pour objet l’étude des rapports qu’entretient le joueur avec le personnage virtuel qu’il se crée, l’avatar, dans les jeux vidéo en réseau dits MMORPG. En effet, nous tenterons de comprendre ce lien afin de mettre en évidence la fonction de l’avatar : Pourquoi a-t-il été créé, dans quel but ? Comment a-t-il été créé (choix des caractéristiques de l’avatar) ? Que nous peut-il nous dire de la personnalité du joueur ?

Pour cela, nous nous intéresserons tout d’abord aux différents modèles identificatoires du joueur ; c’est à dire aux modèles externes auxquels l’image de soi tend à se référer. Avec quel bagage identificatoire le joueur arrive-t-il dans le jeu ? Ce bagage joue-t-il un rôle dans le choix de l’avatar ? Nous verrons quels ont été les jeux auxquels le joueur aimaient jouer lorsqu’il était plus jeune, quels étaient ses jeux préférés et également à quelles figures héroïques ils auraient aimé ressembler. En effet, le jeu est essentiel pour l’enfant, il lui permet d’accéder à une identité structurée mais également d’intégrer les principes de réalité et de plaisir puisqu’il peut y conflictualiser ses fantasmes et ses frustrations. Il peut alors contenir ses pulsions débordantes. Les jeux, témoin de l’imaginaire du joueur, nous aide à comprendre les mobilisations qu’il a pu avoir pour soutenir une image de lui-même attractive.
Il nous semble de plus important de considérer les différents éléments contextuels tels que familiaux, scolaires, etc. qui jouent probablement un rôle important dans la relation que peut entretenir le joueur au jeu et à l’avatar. Nous verrons alors si le choix de l’avatar ne dépend que de la personnalité du joueur ou si ces éléments contextuels entre en ligne de compte.

ð Nous tenterons alors de voir que le choix de l’avatar, cet « agent virtuel »[1] du joueur, celui à travers duquel il existe et agit, dans et sur la réalité virtuelle, est évocateur des manières de s’identifier du sujet actuel et passé.
Plus précisément nous verrons que l’identification à l’avatar entre alors en relation avec l’Idéal du moi du joueur - quel Je a-t-il ?


Nous nous intéresserons à une population de 10 jeunes adultes âgés entre 20 et 24 ans. Les joueurs que nous souhaitons étudier sont sortis de l’adolescence, période où les phénomènes identificatoires sont très instables, très prégnants et certainement décuplés.
Les joueurs doivent jouer régulièrement aux jeux vidéo dits MMORPG. Le fait qu’ils aient une pratique  régulière est indispensable pour mettre en exergue les phénomènes qui s’y rapportent.
Ils doivent être étudiants ou avoir un emploi. Il nous semble en effet important que le jeu ne soit pas la seule activité du joueur.
Il nous semble intéressant de nous intéresser à une population féminine (5) et masculine (5). Dans la mesure où les joueurs sont majoritairement masculins, il serait en effet intéressant de comprendre pourquoi les femmes sont plus minoritaires. Cela s’explique probablement par le fait que les jeux de rôles sont traditionnellement associés au genre masculin – combat, guerre, action, etc. Mais il serait intéressant de voir s’il existe des différences significatives au niveau du choix des avatars (sexe, caractéristiques physiques, classes, compétences, etc.) selon que le joueur soit un homme ou une femme. Nous supposons qu’il en existe, il sera donc important de tenter de les comprendre.
Au sein de chaque groupe (femmes/hommes) nous aimerions étudier deux joueurs ayant des conduites de jeux excessives afin de pouvoir comparer aux joueurs modérés. Nous souhaitons voir s’il ces joueurs excessifs sont une caricature des autres ou s’ils ont un profil qualitativement différent, qu’ils ont une personnalité différente. Ont-ils une personnalité qui prédispose ou bien est-ce le jeu qui a engendré quelque chose ? Dans ce second cas nous ne pourrions pas alors comparer nos deux populations.






[1] Gaon, T. (2008) Critique de la notion d’addiction au jeu vidéo. Quaderni n°67, p. 33-37.